La cuisine scandinave, histoire et parcours d’une culture culinaire à succès.

carl engstrom_folio1100x825_1

La cuisine scandinave, histoire et parcours d’une culture culinaire à succès.

Le « Bocuse d’Or » est devenu depuis quelques années le véritable baromètre de la forme ou de l’influence des cuisines du monde.

Le concours qui a lieu tous les deux ans à Lyon, récompense trois lauréats représentants de leur pays.

Depuis 1989, lors des 13 dernières éditions donc, le Danemark, la Norvège et la Suède ont cumulé pas moins de 20 distinctions et les pays scandinaves ont eu un représentant sur le podium à chaque fois.

Ce record absolu, signe d’une belle constance a été marqué notamment par un triplé historique en 2011 avec l’Or pour le Danemark, l’Argent pour la Suède et le Bronze pour la Norvège.

Quelle incroyable reconnaissance pour une cuisine plutôt inconnue sous nos latitudes et qui pâtit souvent de préjugés.

Pourtant elle est probablement la plus innovante et la plus influente du moment.

 

Comment est-elle parvenue à ce niveau ? Comment s’est développé l’art culinaire en Scandinavie ? Sur quels produits  se base-elle ? Quelle est son histoire ?

 

La Scandinavie… un peu d’histoire

 

Selon votre interlocuteur, la Scandinavie aura des frontières variables.

Assemblage Norvège – Suède – Finlande pour certains… Danemark – Suède – Norvège pour d’autres… ou alors Pays où il fait froid – Pays où il fait tout le temps jour – Pays où il fait tout le temps nuit… les définitions, ainsi que la perception de ce territoire, ne manquent pas.

En fait on peut donner deux définitions à la Scandinavie : l’une géographique et l’autre sociale.

Géographiquement, la Scandinavie se limite à la Norvège et la Suède. Elle tire son nom de la chaine de montagnes ‘Skandia’ qui les sépare.
Socialement, on ajoute le Danemark à ces deux pays. En effet, à partir du VIIIè siècle, une culture commune s’est formée entre ces trois « régions » avec le « phénomène Viking », né pour contrer le grandissant et menaçant empire chrétien. Depuis cette époque, Norvège, Suède et Danemark partagent une histoire commune, basée sur des guerres, des indépendances et des alliances.
La Finlande quant à elle représente un cas à part, puisque ni slave, ni scandinave, la nation finlandaise est notamment née d’une migration Austro-Hongroise, avec une langue à part, aux racines bien différentes.

 

Une cuisine à succès, leader de tendances

 

En introduction nous évoquions les Bocuse d’or, mais savez vous qu’aujourd’hui « le meilleur restaurant du monde », cette récompense prestigieuse du magazine Restaurant et de la marque San Pellegrino, est le Noma du Chef Danois Redzepi ?

Le restaurant est basé à Copenhague, tout comme « Mad Food », son « laboratoire de recherche ».

Si ce classement (comme tout classement) peut être considéré comme subjectif et donc forcément discuté, l’influence du restaurant ne fait aucun doute.

Définitivement, la Scandinavie se place donc aujourd’hui comme le leader de la gastronomie moderne et mondiale.

 

Des produits traditionnels, uniques, respectés et travaillés depuis toujours

 

Lorsqu’on évoque la cuisine Scandinave, la première pensée est qu’elle est intimement liée aux produits de la mer.

Mais il faut savoir que Suède et Norvège, par exemple, utilisent des produits bien distincts, chacun des pays étant ouvert sur une mer différente.

La Suède fait face à la Baltique, qui est considérée comme une mer douce, tant sa salinité est basse. Elle dispose également de grands lacs. Ses produits aquatiques sont donc plutôt des poissons d’eau douce : hareng de la Baltique, saumon de la Baltique, brochet, perche d’eau douce, cendre, anguille…
La Norvège est elle ouverte sur la Mer du Nord et donc l’Océan Atlantique. Ses réserves de pêche sont absolument énormes avec des produits magnifiques tels que le saumon de l’Atlantique Nord, le cabillaud et les crustacés (huîtres, Saint-Jacques, homard, King Crabe…).

 

Au moment d’évoquer la viande, il faut souligner que les scandinaves sont friands de produits que l’on considère chez nous comme du gibier : l’élan, le renne, le chevreuil, la biche, le sanglier… Pourtant il faut savoir que les élevages en Suède donnent également du cochon, ceux en Norvège de l’agneau et du mouton.

Les rennes sont surtout élevés par les lapons, ce peuple autochtone qui vit essentiellement dans le grand nord.

 

Pour traiter ses produits, et notamment les produits de la mer, la cuisine scandinave use de techniques diverses et bien particulières.

 

  • la marinade (le « gravad » en suédois qui signifie « enterrer ») : le produit est salé puis mis sous terre. Le sel fait ainsi ressortir le jus du poisson qui cuit de lui-même.

La technique actuelle du gravlax en est directement inspirée.

  • le fumage, pour sécher le poisson et lui donner un goût de fumé
  • le séchage, qui peut s’appliquer au poisson, tout autant qu’à la viande.

 

Utilisées à l’origine pour des soucis évidents de conservation, ces techniques ont marqué la cuisine scandinave. Ils ont encore une forte influence aujourd’hui.

 

Pour les fruits et légumes, historiquement les scandinaves consomment beaucoup de baies, de condiments et des « légumes racines ».

Les myrtilles, sureaux, perle du Nord (mûres jaunes) et surtout les airelles font partie du patrimoine culinaire scandinave. Compotes et confitures font partie du quotidien.

La confiture d’airelle notamment qui est utilisée très fréquemment en accompagnement des viandes et des pâtisseries.
Cependant en Scandinavie comme ailleurs, aujourd’hui les températures se réchauffent et donc les techniques s’adaptent.

Au Danemark et au moins dans la moitié Sud de la Norvège et de la Suède on trouve aujourd’hui des fruits et légumes tout à fait semblables à ceux cultivés plus au sud en Europe occidentale.

 

L’histoire et les plats typiques de la cuisine scandinave

 

Jusqu’en 1850, la cuisine scandinave s’appuie essentiellement sur des ragoûts. Des plats où tous les produits sont mélangés. On disait alors que la cuisine du Nord n’avait pas de goût. C’est aussi à cette époque que les premiers fourneaux apparaissent car les scandinaves commencent à faire cuire leurs aliments séparément. Peu à peu on y intègre les épices qui apportent diversité de goûts et de couleurs.

À l’origine tout est cuit dans la cuisine scandinave. Le cru était une notion presque non-existante.

De cette culture ressortent quelques plats phares, propres à la cuisine traditionnelle du Nord.

 

  • Le sjömansbiff, le « boeuf du marin », inspiré d’un mode de conservation dans la cervoise, qui donne un ragoût de boeuf cuit à la bière, accompagné de pommes de terres et d’oignons.
  • Le surströmming, du hareng fermenté pendant plusieurs mois. Sa dégustation relève souvent du défi pour les non-initiés. Il est aujourd’hui systématiquement proposé en conserves.
  • Le köttbullar, les boulettes de viande accompagnées de confiture d’airelles.

 

C’est dans les années 1950 que la cuisine du Nord se réinvente véritablement, et pose les bases de ce qui va devenir un courant culinaire majeur.

Les Chefs Werner Vögeli et Tore Wretman, considérés comme les Bocuse suédois, abordent différemment et modernisent la cuisine traditionnelle scandinave.

À partir de cette époque les saveurs culinaires changent complètement et la cuisine du Nord s’ouvre enfin au monde. Les scandinaves qui ne portaient guère attention à la notion d’art culinaire y découvrent la notion de plaisir qui, peu à peu, prend de l’importance dans leur mode de vivre quotidien.

Pour l’anecdote Lennart Engstrom, père du Chef Carl Engstrom et disciple de Tore Wretman, a été un des acteurs important de cette évolution.

Il reprend la Maison du Danemark sur les Champs-Elysées en 1974 et, suite à cela, devient le premier Chef à obtenir une étoile dans un restaurant scandinave ouvert hors de Scandinavie.

La génération de jeunes chefs scandinaves qui apparaît dans les années 80, s’ouvre plus encore sur le monde. Ils emmènent avec eux leur technique et leurs produits, partent à la découverte des cuisines qui se pratiquent ailleurs sur la planète pour revenir au pays enrichis des meilleures techniques mondiales.

Les années 90 marquent la reconnaissance de l’art culinaire scandinave. Les marques de produits scandinaves s’impliquent fortement, développent le sponsoring dans les concours et aident les jeunes talents. En appliquant un modèle d’apprentissage du métier très différent de celui connu dans nos contrées d’Europe occidentale, la Scandinavie créé ainsi un véritable tremplin pour ses jeunes et nouveaux Chefs.

 

Respect du produit, influences et rencontres…

 

Aujourd’hui, la cuisine scandinave s’appuie avant tout sur des produits uniques et extraordinaires tels que le Skrei, ce cabillaud plein et gras, pêché entre janvier et avril au large des côtes norvégiennes, qui fournit une chair absolument unique. Mais c’est aussi une cuisine qui a su capitaliser sur son histoire, en installant durablement dans une scène culinaire mondialisée, ses propres techniques, comme le gravlax.

Cette cuisine à l’état d’esprit ouvert a su s’inspirer de nombreux courants. Tout en respectant ses propres produits, elle aime aujourd’hui apporter une touche originale à un plat traditionnel, ajouter l’épice ou l’accompagnement « exotique » pour le moderniser et le rendre ainsi exceptionnel. Elle s’est affirmée comme une cuisine de rencontres, qui adore mixer ses formidables produits terrestres et marins.

 

J’espère que ce petit voyage au cœur de la culture culinaire Scandinave vous aura donné l’envie de découvrir et tester quelques unes de ces spécialités ?

 

Je me tiens à votre disposition pour écrire avec vous la suite de l’histoire.

 

 d’après l’article de “La belle assiette ” par Franck Mithieux